samedi 28 juillet 2012

GERHARD RICHTER PANORAMA


« À mon avis, tous mes tableaux sont informels ([…] ; malheureusement, je ne suis pas allé plus loin), sauf peut-être les paysages. »
« J’ai envie de peindre de belles choses . »

"Gerhard Richter Panorama" se déroule au Centre Pompidou du 6 juin au 26 septembre 2012. C'est un billet "moleskine" de Claude Lothier qui m'avait donné envie d'aller visiter cette exposition, et bien nous en a pris.
Une véritable révélation pour nous, car la peinture de Gerhard Richter est une recherche passionnante et passionnée consacrée exclusivement à la peinture et à l'Art, avec un grand "A", à l'Histoire de l'art. Sa production est en perpétuel cheminement et on le sent tellement "accro" à toutes les pratiques, anciennes et modernes, qu'on ne peut qu'être entraîne dans sa quête. 


Connu pour la diversité de ses outils (spatules, pinceaux, brosses, estompes, tracés directs, transferts, champs nébuleux, etc.), de ses formats, de ses choix, de ses stylistiques, il est imprégné des démarches de tous ceux qui l'ont précédé et qui forment autour de lui comme un aréopage ardent d'artistes de tous temps. Continuateur d'une tradition, il en est aussi le passeur et dit "Je me considère comme l'héritier d'une immense, fantastique et féconde culture de la peinture que nous avons perdue, mais dont nous sommes redevables". 


On égrène avec lui, au gré de ses inspirations, le jeune acide de Van Gogh, le silence des vanités du XVIIe siècle, le lyrisme romantique dans ses paysages, dans ses marines, la rigueur conceptuelle dans ses nuanciers de couleurs. On croise ses hommages à Titien, à Morandi, à Chardin, à Ingres, à Vermeer avec d'autant plus d'émotion que ses réinterprétations montrent combien il est conscient de l'importance de ses illustres prédécesseurs. Lorsqu’on demande à Richter : « De quels peintres avez-vous appris ? », il répond : « De tous ceux que je connais ». 


Les critiques et autres théoriciens de l'art contemporain, soucieux de classifications et de mise en coupe réglée, ont du fil à retordre avec Richter, et c'est ce qui fait le plus grand charme de ce dernier.  Robert Atkins le situe dans le courant simulationniste. Paul Ardenne parle de photographie repeinte, de travail de copiste, de travail de deuil ; il qualifie ses monochromes gris de méditation sur le sens de peindre. Guy Tossato, à propos des tableaux photoréalistes, évoque une peinture abstraite gestuelle ou expressionniste et gratifie cette capacité de « battre en brèche nos idées reçues, de brouiller nos classifications, de mettre en cause nos automatismes perceptifs ». On le retrouve, tour à tour, qualifié d'artiste allemand, de néo-romantique, de conceptuel, Nouveaux Réalistes... toutes étiquettes que Richter repousse résolument, non qu'il soit un électron libre mais parce qu'il est en perpétuelle exploration. Son objectif unique, toujours et sans cesse travaillé est et reste la peinture. Alors quoi de plus captivant que l'exposition "Panorama" que lui consacré le Centre Pompidou jusqu'au 26 septembre, et ce d'autant que le peintre a aujourd'hui 80 ans et que cet hommage est très intelligemment construit. Les titres des 10 sections qu'on parcourt avec une curiosité toujours ravivée, sont très révélateurs de l'intérêt de l'approche et de la rétrospective :


Ce n'est pas une construction absconse et gratuite d'intellos en veine d'effets mais bel et bien un chemin de compréhension de l'artiste et d'analyse éclairée de ses investigations, hésitations, explorations, approfondissements de l'art pictural sous toutes ses déclinaisons. Toutes ses variations montrent une pratique vivante, foisonnante, sans cesse fondée sur le désir d’ouvrir d’autres portes. Il y a dans toute sa peinture l’évidence d’une technique maîtrisée mêlée à une complicité culturelle intense avec les grands maîtres. C'est fascinant !! Une exposition à voir et à revoir...



« J’estompe pour rendre l’ensemble homogène, pour que tout soit d’égale importance. J’estompe pour que rien n’ait l’air léché, artistique mais pour que ce soit lisse et parfait. J’estompe pour que tous les éléments s’interpénètrent. J’estompe peut-être aussi le trop et le superflu en informations anodines. »


« Le fait que la peinture se réfère à la peinture est une évidence. Tout comme le petit pain d’aujourd’hui n’est petit pain qu’à cause de l’expérience des boulangers qui ont créé des petits pains pendant des siècles. »


 « La photographie documente la spatialité réelle bien qu’elle n’en possède aucune puisqu’elle est image. En documentant un espace réel, comme le fait la photo, mais en peinture, naît une spatialité spécifique qui résulte de l’interpénétration et de la tension entre l’objet représenté et l’espace pictural. »


« Cette image n’avait aucun style, aucune composition, elle ne jugeait pas, cela me libérait de mes expériences personnelles. […] Voilà pourquoi je désirais l’avoir, la montrer, non pas pour l’utiliser comme support de la peinture mais pour me servir de la peinture comme moyen photographique. » 



« Aucune couleur n’est capable de visualiser le néant. »
« J’ai certaines affinités avec le gris. Pour moi, le gris est absence d’opinion, le néant, le ni… ni. C’est aussi un moyen d’exprimer mes rapports avec la réalité apparente parce que je refuse d’affirmer qu’une chose est ainsi et pas autrement . »  



. « Les peintures abstraites sont des modèles fictifs parce qu’elles rendent perceptible une réalité que nous ne pouvons ni voir ni décrire mais dont nous pouvons déduire l’existence. […] Grâce à la peinture abstraite, nous nous sommes donné des possibilités supplémentaires pour aborder l’imperceptible et l’inintelligible. » 


« Je pratique la spontanéité calculée » avec « un même désir, celui de toujours vouloir autre chose que ce que, finalement, je produis ».


Et pour finir, une de ses oeuvres les plus récentes qui, selon moi, traduit intensément l'inquiétude fascinée de ce peintre toujours en recherche : je n'en ai pas noté le titre exact de ce "vitrail", mais pour moi, il ressemble à ces radiographies de coupes de pigments que les restaurateurs réalisent quand ils travaillent sur une toile ancienne : la peinture dans tous ses secrets, telle qu'on ne peut la deviner, et pourtant telle qu'elle s'est construite, alchimie incroyable qui aboutit au "Beau"


Et puis, une exposition dans les cimaises de Beaubourg, cela ne se rate pas, n'est-ce pas ??!!

4 commentaires:

  1. J'aime Richter, et c'est en lisant ton article que j'en ai mieux compris les raisons... ;-)

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  2. J'ai très envie de retourner voir cet expo en septembre quand nous retournerons à paris pour la raison que tu sais, si cela nous en laisse le temps ! pour moi, une vraie découverte

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  3. J'avais lu cet article que j'avais trouvé très intéressant
    " Je n’obéis à aucune intention, à aucun système, à aucune tendance ; je n’ai ni programme, ni style, ni prétention. J ‘aime l’incertitude, l’infini et l’insécurité permanente " (Gerhard Richter).
    Je ne sais plus où j'avais lu que Ema est une réadaptation de Nu descendant un escalier Marcel Duchamp je préfère et de loin le tableau de Richter

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  4. Pas de doute Françoise, je préfère aussi de loin Richter à Duchamp. Sa démarche me semble terriblement plus "honnête"

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