vendredi 30 août 2013

JEUDIS MUSICAUX (août 2013)

En fait, le trio Dali, trio constitué depuis au moins 2008, a pour violoniste Jack Liebeck, absent à La Tremblade, où le remplaçait Tai Murray, la superbe violoniste américaine qui, après avoir parrainé l'Académie musicale de Royan 2013, fit florès à Violon sur le sable et qui avait accepté de venir jouer en formation de chambre, pour notre plus grand plaisir. Je ne sais ce que valent les Dali, mais la présence au violoncelle de Christian-Pierre La Marca me semble d'excellent augure. Toujours est-il que ce jeudi-là, Amandine Savary et lui étaient galvanisés par la présence de Tai et le bonheur de ces trois-là d'être ensemble, leur engagement, leur excellence en un mot, nous ont transportés. 

Prêts à attaquer !

La première pièce, la sublime sonate de Schubert, fut jouée un peu lentement, mais qu'importe, c'est tellement beau. Le trio numéro ... de Fauré et surtout le trio numéro 1 opus 8 de Brahms, oeuvre de jeunesse et pleine d'une fougue qui seyait parfaitement à ces jeunes et talentueux interprètes, ont été enlevés de main de maîtres(s), et ce fut un grand moment de communion musicale.


Car ils étaient parfaitement impliqués dans les œuvres, et leur maîtrise de la partition, leur virtuosité et leur souci permanent d'union ont fait merveille : les voix étaient parfaitement audibles, les chants bien détachés, et ils se passaient la parole avec une telle fougue que ce fut, vraiment, un grand moment de musique.



Le quatuor Ébène, juste avant la première note, devant la très belle abside de Mornac sur Seudre

Une "grande" journée que ce jeudi 8 août, riche en émotions et en vibrations d'une rare qualité. La réputation du quatuor Ébène n'est pas à vanter, et elle est amplement justifiée : on a là un des plus grand quatuors qui soient, et ce ne sont pas des "paroles verbales". Ils jouent même Mozart, une toute petite pièce de 10 minutes, de façon impeccable, subtile et précise, ce qui est pour moi le test suprême ! Leur entente parfaite, leur lecture intelligente et cultivée de la partition, leur sonorité d'une beauté étonnante (ils ont, nous dit-on, de merveilleux instruments anciens que je n'ai pu identifier, car il s'agit d'un prêt privé) sont autant de qualités précieuses qui en font vraiment une des références actuelles en matière de quatuor à cordes.


Dans ce petit film qui présente de façon fort sympathique les quatre musiciens, Gabriel Le Magadure parle d'un éthique du son, et, de fait, rien de surprenant alors, que le public soit scotché. Dans le quatuor de Ravel, entendu maintes fois lors des concours où il constitue une pièce de prédilection des formations en compétition, ils furent extraordinaires : plus "raveliens" que nature, ils atteignaient un équilibre rare : lyriques, éblouissants dans les pizzicatti, intimes dans les passages nostalgiques, brillants partout, ce fut un vrai feu d'artifice.

Les deux églises du 8 août : Mornac-sur-Seudre et Cozes

Quant à Mendelssohn, ce fut très fort. Le quatuor en la mineur, opus13, composé par le jeune compositeur à 17 ans, fut réalisé l'année de la mort de Beethoven, et il s'inspire ouvertement mais avec beaucoup de caractère, de l'opus 132 du maitre. Mendelssohn écrit à un ami "Tu le reconnaîtras dans les notes du premier et du dernier mouvement, mais il parle dans les quatre morceaux". Ces pages d'obédience beethovénienne certes, mais déjà pleines de la personnalité de l'artiste, émerveillent par leur audace, leur intensité, en un mot leur richesse. Et sous les 4 archets d’Ébène, d'une délicatesse inouïe, d'une homogénéité impressionnante, la pièce est terriblement émouvante. A vous arracher des larmes, si si !! Au point que les artistes refusèrent, à juste titre, d'ajouter un bis à ce moment de perfection absolue.

Toujours avant la première note, cette fois-ci à Cozes, l'église où il pleut du miel !! Un essaim d'abeilles, installé dans les combles, en a produit une telle quantité que le précieux liquide ambré suinte sur les voûtes du transept ! Voilà qui est symbolique quand on écoute des interprétations d'un tel raffinement ...

Le soir, à Cozes, ils jouèrent le quatuor en fa mineur, opus 80, écrit 20 ans plus tard, et alors que Mendelssohn traversait une crise grave : accablé de charges trop nombreuses, attaqué par la presse, la mort de sa soeur Fanny (le 14 mai 1847) fut pour lui comme un coup de grâce. Il disait alors "ne plus pouvoir penser à la musique sans ressentir la plus grande désolation et le vide de la tête et du cœur". Ce "Requiem pour Fanny" est une pièce sombre, désespérée même, révolte contre la mort, prophétique puisque le musicien décéda le 14 novembre de l'année où il l'écrivit. Les Ébène l'ont joué avec une urgence dramatique, un tempo rapide et presque haletant, poussant au paroxysme la noirceur de ces lignes, pétries de souffrance et d'angoisse.


Marielle Nordmann et Nemanja Radulovic

Un duo inhabituel, sinon inattendu, pour lequel les partitions sont, nécessairement, des transcriptions. Deux instruments qui, pourtant, sont faits pour s'entendre : parfois homogènes, parfois contrastés, l'un frotte ou pince, alors que l'autre pince !! Deux interprètes aussi de haute volée...



Mais, allez savoir pourquoi, l'ambiance 15 août, le programme, l'air du temps ?? nous nous sommes ennuyés. Faut dire que vu l'enthousiasme des spectateurs qui étaient si nombreux qu'il fallut laisser la porte de l'église ouverte pour permettre à ceux qui n'avaient pas eu de place d'en profiter un peu, pas besoin de s'écorcher les mains pour applaudir, ils le faisaient pour nous, debout encore ! Ben oui, Radulovic est très tendance... Bon voilà, un concert de passé, on fait une croix sur le planning. Au suivant...


 La minuscule église du Chay, entièrement reconstruite au XIXème et qui a gardé ses stucs joliment restaurés

 Quatuor de violoncelles, avec François Salque, Aurélienne Brauner, Honorine Schaeffer et Noé Natorp. 

Le programme de cette première carte blanche donnée à François Salque, autour du violoncelle, était dédié à la musique romantique française, et, cerise sur le gâteau, aux pièces spécialement écrites pour plusieurs violoncelles. Ce qui nous a permis de découvrir un répertoire peu connu mais fort agréable, joué avec beaucoup d'engagement par les jeunes instrumentistes que François Salque a réunis autour de lui et qui, malgré leur très jeune âge, sont fort prometteurs.


Nous avons ainsi découvert deux duos d’Offenbach, une suite pour trois violoncelles de Fernand de la Tombelle et deux mouvements d'une sonate de Max d'Ollone, toujours pour trois violoncelles. Cela a permis à Alter, qui n'aime pas trop les transcriptions, de garder le sourire !! Nous avons beaucoup apprécié les sonorités très puissantes et fort subtiles d’Aurélienne Brauner et d'Honorine Schaeffer.


Mais c'est surtout l'âme de cet ensemble, l'ancien violoncelliste  du quatuor Ysaÿe, qui a provoqué notre admiration. Très impliqué, mettant judicieusement "ses" jeunes en valeur, modeste et pourtant tellement brillant, il dégage de cet artiste un vrai charisme, qui fait merveille avec les instrumentistes. Il fait passer sa passion pour l'instrument, et on le sent excellent pédagogue : pas intrusif, ferme sans être directif, il laisse chacun s'exprimer avec bienveillance. Il est resté en retrait, attentif et discret, et n'a joué que deux pièces, dont Le chant des oiseaux, la célèbre mélodie catalane adaptée par Pablo Casals pour le violoncelle, et ce fut pour tous, même pour ses accompagnateurs, un vrai enchantement.


 Orchestre de violoncelles, avec François Salque, Aurélienne Brauner, Honorine Schaeffer, Noé Natorp, Elise Kleimberg, Bertille Arrué, Romain Chauvet, Michèle Pierre, Paul Colomb et Moïse Langlet. 

Le concert de Saint Palais avait attiré la foule des grands soirs : il faut dire que Frédéric Lodéon en assurait, pour le plus grand plaisir de "chouchou et poulette en goguette", la présentation. Je raille un peu, sans méchanceté je vous l'assure, car Lodéon rend la musique facile et surtout, en l'espèce, permettait aux instrumentistes de se réinstaller entre chaque morceau : un vrai ballet de chaises musicales, chacun jouant un tour dans les aigus, un tour dans les graves... tous ayant leur moment de gloire, soliste ou premier violoncelle, François Salque ne tirant jamais la couverture à lui, bien au contraire !! Entre chaque pièce c'était donc la valse des pupitres et des chaises, et monsieur Lodéon émaillait notre attente de quelques anecdotes croustillantes comme il en a le secret.


Le programme comportait surtout des arrangements, certains pas très convaincants, comme le Lamento d'Ariane, d'autres plus réussis (dus d'ailleurs à Roland Pidoux) comme un air de Don Carlos ou un extrait de la symphonie du Nouveau Monde. Le concert, après l'inévitable recours à Paganini (avec les variations sur une seule corde sur un thème du Moïse de Rossini), s'est terminé pour la plus grande joie de "chouchou et poulette" par un mambo enlevé, qui a réveillé tout le monde avant le pot final ! Bon, vous me connaissez, je suis toujours un peu énervée quand on remplit les églises de gens qui n'ont qu'une hâte, c'est que cela se termine, raclant les chaises, toussant et faisant sonner leurs sms, mais cela n'enlevait rien à la qualité du concert, très agréable au demeurant, et de bien belle tenue. Tous ces jeunes lauréats du Conservatoire de Paris et de Lausanne, que nous retrouverons peut-être à la Roche Posay le week-end prochain, ont un bel avenir devant eux. Et François Salque les coache avec beaucoup de sensibilité. Et même si je râle, bravo à Yann qui remplit tellement les églises qu'elles débordent : c'est nécessaire pour la survie de ce festival sensationnel qui nous réserve encore un grand mois de concerts !! Vous ne couperez pas au 4ème billet !!

3 commentaires:

  1. Tout d'abord, un grand merci, un peu confus! Puis, tu me fais regretter de ne pas être allée à la Tremblade, mais non à St Palais - je craignais exactement ce que tu décris, et je n'étais pas libre. Tu parles de la personnalité de François Salque exactement comme je l'ai ressentie. J'ai admiré la façon dont il laissait la place à ces jeunes musiciens, sans ostentation; et aussi la simplicité avec laquelle il a présenté les œuvres, ce qui manque souvent. Et quand il joue, émotion instantanée!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ton poème était tellement juste Noune, pas moyen de la zapper ici !!
      A Saint Palais, il y avait vraiment foule et pas mal de gens ont passé le concert dehors, écoutant par la porte restée ouverte... Pourtant c'était le concert du Chay le plus intéressant, de loin, et aussi celui dont l'ambiance était la plus "musicale", car la présentation par François Salque était autrement intéressante que celle de notre monsieur Loyal de la musique ! Et surtout, la qualité des oeuvres et le recueillement du public, c'était un très beau moment.

      Supprimer
  2. On a accompagné Noé Natorp en orchestre l'hiver dernier, c'était chouette!

    On retrouve une partie des arrangements de Pidoux sur le CD des Violoncelles Français, notamment le largo de la 9ème de Dvorak -tellement beau, qu'après l'avoir écouté en boucle ça m'a fait trèèèès bizarre d'entendre les premières notes au cor ;-) Le violoncelle se prête très bien à l'ensemble, pièces originales (et il a beaucoup) ou transcriptions. S'ils ont joué la transcription de l'adagio de la 1ère de Malher, vous avez gagné le gros lot, j'en ai un souvenir incroyable.
    As-tu gardé les références exactes des pièces pour trios de violoncelles? Je serais très intéressée.

    RépondreSupprimer

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL

3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Enfin cliquer sur Publier

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et d'avance, MERCI !!!!

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...